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08/03/2015

La citation du jour

Marcel Proust

citations; livres 

C'est quelquefois au moment où tout nous semble perdu que l'avertissement arrive qui peut nous sauver; on a frappé à toutes les portes qui ne donnent sur rien, et la seule par où on peut entrer et qu'on aurait recherchée en vain pendant cent ans, on y heurte sans le savoir et elle s'ouvre.

Marcel Proust, Le temps retrouvé (coll. Livre de poche/LGF, 1999)

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Marcel Proust | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/03/2015

La citation du jour

Georges Courteline 

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Le Tribunal, après en avoir délibéré:

Attendu qu’il résulte du constat de Legruyère, huissier, et de plaintes au nombre imposant de treize mille six cent quatre-vingt-sept, que La Brige, au mépris des lois sur la décence, a découvert, mis à jour et publiquement révélé une partie de son individu destinée à demeurer secrète;

Attendu que le prévenu, tout en reconnaissant l’exactitude des faits qui font l’objet de la poursuite, objecte du droit absolu, dévolu à tout locataire, d’user à sa convenance d’un logis qui est le sien, et, notamment, de s’y dépouiller dé tout voile si le caprice lui en vient, à condition, bien entendu, de n’être une cause de scandale ni pour les voisins ni pour les passants, ce qui est précisément son cas;

Attendu que La Brige, contraint et forcé, par les exigences de l’été, de tenir ses fenêtres ouvertes, donc de livrer sa vie privée au contrôle d’une foule indiscrète et goguenarde, prétend que son domicile est devenu l’objet d’une violation de tous les instants: argument d’autant plus sérieux que si le premier venu est en droit de plonger chez les particuliers et de regarder ce qui s’y passe du haut d’un trottoir surélevé, il peut procéder logiquement à l’accomplissement de la même opération au moyen d’une échelle, d’une perche, d’une corde à nœuds ou de tout autre appareil gymnastique, et que, dès lors, l’intimité du chez-soi devient un mot vide de sens;

Attendu qu’il n’est rien au monde de plus complètement sacré, de plus parfaitement inviolable, que la maison du prochain; que Cicéron promulgue cette vérité première et qu’il y a lieu de tenir compte du sentiment de ce jurisconsulte...

Mais d’autre part :

Considérant que la Loi, en dépit de ses lâchetés, traîtrises, perfidies, infamies et autres imperfections, n’est cependant pas faite pour que le justiciable en démontre l’absurdité, attendu que s’il en est, lui, personnellement dégoûté, ce n’est pas une raison suffisante pour qu’il en dégoûte les autres;

Considérant qu’a priori un gredin qui tourne la Loi est moins à craindre en son action qu’un homme de bien qui la discute avec sagesse et clairvoyance;

Considérant qu’en France, comme, d’ailleurs, dans tous les pays où sévit le bienfait de la civilisation, il y a, en effet, deux espèces de droit: le bon droit et le droit légal, et que ce modus vivendi oblige les magistrats à avoir deux consciences, l’une au service de leur devoir, l’autre au service de leur fonction;

Considérant, enfin, que si les juges se mettent à donner gain de cause à tous les gens qui ont raison, on ne sait plus où l’on va, si ce n’est à la dislocation d’une société qui tient debout parce qu’elle en a pris l’habitude;

Pour ces motifs :

Déclare La Brige bien fondé en son système de défense, l’en déboute cependant, et, lui faisant application de l’article 330 du Code pénal et du principe tout cela durera bien autant que nous, le condamne à treize mois d’emprisonnement, à 25 francs d’amende et aux frais.

Georges Courteline, L'article 330 - Théâtre (coll. Garnier Flammarion, 1965)

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26/02/2015

La citation du jour

Philippe Jaccottet

citations; livres

Le froid qui nous fait frissonner tout à coup, la chaleur qui nous a fait d'abord transpirer au moindre effort, l'ombre qui éteint les formes, le temps qui vous use lentement, rien ne permet de le mettre en doute. Voilà où nous sommes, voilà ce qui nous cerne, nous flatte ou nous blesse, nous exalte ou nous accable, ce qui a plus ou moins de poids, d'éclat, de mouvement, voilà ce à quoi nous avons affaire le temps de notre vie, et qui est inépuisable, et dans quoi nous sommes réels et non des fantômes: car les fantômes ne souffrent ni ne jouissent, on ne peut en tirer du sang, ni des larmes.

Philippe Jaccottet et Alexandre Hollan: Nuages (Fata Morgana, 2002)

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21/02/2015

La citation du jour

Jean Genêt

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Vous êtes les résidus d'un âge fabuleux. Vous revenez de très loin. Vos ancêtres mangeaient du verre pilé, du feu, ils charmaient des serpents, des colombes, ils jonglaient avec des oeufs, ils faisaient converser un concile de chevaux. Vous n'êtes pas prêts pour notre monde et sa logique. Il vous faut donc accepter cette misère; vivre la nuit de l'illusion de vos tours mortels. Le jour vous restez craintifs à la porte du cirque - n'osant entrer dans notre vie - trop fermement retenus par les pouvoirs du cirque qui sont les pouvoirs de la mort. Ne quittez jamais ce ventre énorme de toile. Dehors, c'est le bruit discordant, le désordre; dedans, c'est la certitude généalogique qui vient des millénaires, la sécurité de se savoir lié dans une sorte d'usine où se forgent les jeux précis qui servent l'exposition solennelle de vous-mêmes, qui préparent la Fête. 

Jean Genêt, Le funambule (L'Arbalète/Gallimard, 2010) 

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16/02/2015

La citation du jour

Henry Miller

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Il n'est pas une époque de l'histoire humaine où le monde ait à ce point regorgé de souffrance et d'angoisse. Et cependant, çà et là, on tombe sur des individus que l'affliction commune n'a pas touchés, pas souillés. Ce ne sont pas des êtres sans coeur, loin de là! Ce sont des créatures émancipées. Pour eux, le monde n'est pas ce qu'il nous semble. Ils voient avec d'autres yeux. On dit d'eux qu'ils sont morts à ce monde. Ils vivent dans l'instant, pleinement, ils rayonnent, et ce rayonnement est un hymne perpétuel à la joie. Le cirque est un petit bout d'arène close, propre à l'oubli. Un temps plus ou moins bref, il nous permet de ne plus penser à nous, de nous dissoudre dans l'émerveillement et la félicité, d'être transportés de mystère. On en sort dans un brouillard, affligé, horrifié par le visage quotidien du monde. Mais ce vieux monde de tous les jours, ce monde que nous imaginons n'être que trop familier, est le seul; et c'est un monde de magie, d'enchantement inépuisable. Comme le clown, nous faisons mine; à jamais simulant; à jamais différant le grand événement. Nous mourons dans les affres de la naissance. Jamais nous ne fûmes, jamais ne sommes. Nous sommes en voie perpétuelle de devenir, toujours séparés, coupés. A jamais en dehors.  

Henry Miller, Le sourire au pied de l'échelle - Epilogue (Buchet-Chastel, 2001)

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12/02/2015

La citation du jour

Danièle Sallenave

citations; livres

La littérature trouve son sol là où se conjuguent jusqu'à l'angoisse l'amour de la vie et la certitude de devoir mourir, le goût et la célébration des choses créées, la douleur de les voir disparaître, le sentiment de la fuite du temps, et le désir de s'établir en un lieu où la finitude soit rachetable. La littérature est toujours au seuil d'un sentiment paralysant et infécond, la mélancolie. Tout ce qui naît de l'exigence littéraire, avant de se transformer en joie, est marqué d'une liaison sombre, non dite, mystérieuse, innommée avec le sentiment de l'irréparable et de la perte. Il y a quelque passage secret, et peut-être même quelque identité de nature entre la littérature et la mélancolie; nul n'écrirait ni ne lirait s'il ne s'était jamais senti ébranlé jusqu'au fond de soi par la déchirante douleur de survivre.

Danièle Sallenave, Le don des morts - Sur la littérature (Gallimard, 1991) 

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31/01/2015

La citation du jour

Siri Hustvedt 

citations; livres

Certains d'entre nous sont destinés à vivre dans une case dont il n'est de libération que temporaire. Nous autres aux esprits endigués, aux sentiments entravés, aux coeurs arrêtés et aux pensées réprimées, nous qui aspirons à exploser, à déborder en un torrent de rage ou de joie ou même de folie, nous n'avons nulle part où aller, nulle part au monde parce que nul ne veut de nous tels que nous sommes, et il n'y a rien d'autre à faire qu'embrasser les plaisirs secrets de nos sublimations, l'arc d'une phrase, le baiser d'une rime, l'image qui prend forme sur le papier ou la toile, la cantate intérieure, la broderie cloîtrée, le travail d'aiguille sombre ou rêveur venu de l'enfer ou du ciel ou du purgatoire ou d'aucun des trois, mais il faut que viennent de nous quelque bruit ou quelque fureur, quelques éclats de cymbales dans le vide.

Siri Hustvedt, Un été sans les hommes (Actes Sud, 2011)

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12/01/2015

La citation du jour

 

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Jean de La Bruyère

L'on me dit tant de mal de cet homme, et j'y en vois si peu, que je commence à soupçonner qu'il n'ait un mérite importun qui éteigne celui des autres.

Jean de La Bruyère, Les Caractères ou les Moeurs de ce siècle (coll. Folio/Gallimard, 1975)

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09/01/2015

La citation du jour

André Velter

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Comment jeter encore un regard dans la tourmente où plus rien ne peut s'égarer? Poursuivre sans savoir quel seuil a été franchi, ni si le pied a pris appui de l'autre côté du mirage? Le crédit du hasard est épuisé. L'aura de la magie s'est éteinte. Je retrouve la voie violente et sage de l'illumination, quand l'expérience est un corps de lumière qui traverse la glace et les déblais, les visages, les cendres et jusqu'à la ferveur et au feu.

André Velter, L'amour extrême et autres poèmes pour Chantal Mauduit (coll. Poésie/Gallimard, 2007)

 

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25/12/2014

La citation du jour

William Shakespeare

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Non, jamais je ne planterai une seule de ces boutures dans mon jardin. De même que je ne voudrais pas que ce garçon me dise, si j'étais maquillée: c'est bien, et que ça lui donne envie de me faire l'amour. Prenez ces fleurs, c'est de la chaude lavande, de la sarriette, de la marjolaine, et puis le souci, qui se couche en même temps que le soleil et se lève en larmes en même temps que lui. Oui, toutes ces fleurs me manquent pour vous en faire des couronnes, et vous, mon doux ami, pour vous en couvrir tout entier. 

 William Shakespeare, Un conte d'hiver (Minuit, 1988) 

traduit par Bernard-Marie Koltès

image: Le Titien, Vénus d'Urbino / détail (ahsonic.tumblr.com)

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